Les ventes Aristophil de juin 2018 : une analyse

Ca y est, les ventes ont commencé, à un rythme bien moins soutenu qu’annoncé au départ. On nous parlait de 300 ventes étalées sur 6 ans, soit une vente par semaine…Aujourd’hui, ce sont 6 ventes qui se sont déroulées sur 7 mois. Il est vrai qu’on doit vite être pris dans le conflit entre la volonté de tout liquider sans traîner et la crainte de voir les prix chuter. Peut-être n’est-ce d’ailleurs pas un hasard si les autres maisons de vente ne se sont pas portées volontaires pour participer à cette histoire : l’équation possède-t-elle vraiment une solution ? 130 000 documents à vendre, un cercle d’amateurs très réduit (le marché des autographes n’est pas la bibliophilie!), des milliers de personnes flouées qui attendent beaucoup de cette opération tout en étant prévenues que l’espoir est mince. Car on parle beaucoup d’argent dans cette histoire, mais ce sont aussi et surtout des hommes et des femmes désarmés face à cette énorme machine et impuissants devant l’ampleur de la catastrophe annoncée. Les associations de défense des victimes font ce qu’elle peuvent. Mais, sans connaissance de ce marché, et malgré toute leur bonne volonté, leurs possibilités d’actions sont limitées.

Hélas, malgré la qualité des descriptions des experts de ces ventes (Monsieur Thierry Bodin, d’une compétence remarquable), les clients ne se pressent pas au portillon et les ventes sont assez atones. L’aspect psychologique joue probablement un rôle prépondérant, comme souvent dans le marché de l’art.

On pourra, si l’on veut, se consoler avec certains très bons résultats qu’il convient de remarquer, réservés toutefois à des pièces exceptionnelles : évidemment, lors de la première vente, la lettre d’amour de Napoléon à Joséphine (vendue 320 000 euros frais compris pour une estimation à 60/80 000) ou alors en juin 2018 la partition de la Habanera de Ravel (vendue 169 000 euros frais compris pour une estimation à 25/30 000).

On parle aussi beaucoup du Livre d’heures de Petau (vente « Origines » du 16 juin) adjugé à des sommes astronomiques, mais il s’agit là de bibliophilie et non d’autographes. Fort peu de manuscrits se vendent à ces sommets, mis à part les chefs-d’oeuvre de la littérature, comme le fameux rouleau de Sade proposé à la première vente, faisant finalement objet d’une négociation de gré à gré entre l’Etat et la maison de ventes.

Mais le constat est là : beaucoup de lots plus « standards » (car oui, les collections Aristophil ne contiennent pas que des trésors, loin de là!) n’ont pas été adjugés. Et lorsqu’ils l’ont été, c’était bien souvent en-dessous de l’estimation basse. Plus étonnamment, plusieurs belles pièces n’ont pas non plus trouvé preneur, à l’image des manuscrits de Mozart.

Ces ventes auront au moins le mérite de nous faire un peu rêver. Feuilleter un catalogue est une délectation pour les yeux. Aller aux expositions, tenir dans ses mains un manuscrit d’une Mazurka de Chopin, lire une lettre de Mozart sur le papier qu’il a lui-même rempli, voir une esquisse de Van Gogh dans les moindres détails, cela n’a pas de prix.

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