Emile Zola (1849-1902), écrivain

 Exceptionnel manuscrit (8 pages consécutives) entièrement autographe et en grande partie inédit de Zola pour La Faute de l’abbé Mouret (saga des Rougon-Macquart)

Le manuscrit de ce roman est envoyé au journal russe le « Messager de l’Europe » en décembre 1874 et paraît en France dès 1875, mais il semble à plusieurs indices que l’intrigue du roman ait été préparée dès 1873, comme le démontre Henri Mitterand dans son édition de la Pléiade.

Par l’intermédiaire du personnage de Serge Mouret, abbé en proie à des désirs incompatibles avec son sacerdoce, Zola s’attaque dans ce roman au catholicisme et à ses interdits qu’il ne comprend pas, en droite ligne avec l’atmosphère anticléricale de cette deuxième moitié du XIXè siècle.

Nous proposons un long fragment constitué de 8 pages in-8, entièrement remplies par l’auteur, et raturées par endroits. Il s’agit d’un dialogue entre Albine, futur amour de l’abbé Mouret, et le docteur Pascal, oncle de l’abbé. Albine vient de recueillir l’abbé souffrant chez elle.

Ce texte était destiné aux premières pages du livre deuxième, mais seules subsistent dans la version finale quelques lignes de notre manuscrit. Le reste a été, semble-t-il écarté par l’auteur et jamais publié.

Nous ne pouvons donner qu’un aperçu de l’extrait, qu’il appartiendra au nouveau propriétaire de découvrir.

Reproduisons toutefois quelques passages :

Une respiration faible, un souffle d’enfant assoupi s’entendait dans le grand silence. Le docteur allongeait déjà le bras pour écarter les rideaux mais la jeune fille l’arrêta, le força à s’asseoir à côté d’elle, sur un canapé, en répétant de sa voix volontaire :

-non, non, vous le verrez tout à l’heure…auparavant, il faut que je vous raconte…Nous parlerons bas.

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-je lui avais pris la main, pour qu’il s’endormit ; sa main brûlait…Ah, j’oubliais. Il me tutoyait, les yeux fermés, en s’assoupissant peu à peu [] Il m’appelait son amie, sa sœur, sa mère. J’ai bien compris qu’il n’avait pas la tête solide. Mais il n’était pas méchant, il m’obéissait, il semblait un tout petit garçon…J’ai passé la nuit là, sans avoir peur de lui.

Le docteur hocha la tête.

-Un joli coup ! macha-t-il entre ses dents.  Je suis un imbécile de ne pas m’être méfié. J’aurais dû faire attacher Serge dans son lit.

-Serge, répéta Albine avec un sourire, il se nomme Serge…C’est un nom que je ne connaissais pas. C’est un joli nom.

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Le docteur Pascal garda un moment le silence. Il examinait la chambre, les amours roses montrant des bouts de nudité au dessus des portes, les amours de plâtre polissonnant, fouillant l’alcôve de leurs yeux fripons. L’ancien parfum d’amour qui trainait là, sous le ciel alangui du plafond, le long des ornements couleur chair des panneaux, lui mettait un sourire aux lèvres.

Nous remercions M. Alain Pagès, spécialiste reconnu de l’oeuvre d’Emile Zola, pour les précisions qu’il nous a apportées dans le cadre de nos recherches sur ce manuscrit.

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