François-Dominique Toussaint-Louverture (1743-1803), militaire
Apostille (autographe ?) signée, Cap, 25 Floréal an 9 [15 mai 1801]
1 page in-4 recto/verso, bord droit rogné avec perte de quelques lettres, quelques traces de réparations anciennes
Rare signature du grand militaire, alors qu’il vient d’être nommé par Bonaparte capitaine général de Saint-Domingue. Toussaint-Louverture approuve ici une demande d’un capitaine de gendarmerie de l’île :
« LIBERTE REPUBLIQUE FRANCAISE EGALITE
Samson, Capitaine de gendarmerie du quartier Morin
Au Citoyen Toussaint-Louverture, Général en chef de l’armée de Saint-Domingue
Mon Général,
Comme je suis un pauvre officier chargé de quatre enfants sur mes bras, désirant, mon Général, travailler afin que je puisse avoir quelque chose pour aider les besoins de mes enfants, je vous prie, si c’est effet de votre bonté, de m’accorder affermer les deux habitations . »
Il donne les adresses des habitations concernées, dans le quartier de la grande rivière, ainsi que quelques montants et ajoute « Croyez, mon Général, que c’est là la juste valeur de ces habitations. J’espère que vous voudrez bien, s’il-vous-plaît, jeter un coup d’œil sur ma pétition et donner vos ordres en conséquence. Qu’on puisse avoir égard à ma demande. J’attends après vos ordres afin que je puisse savoir le résultat de cela.
Salut et respect.
Votre fidèle officier soumis aux lois de la République.
SAMSOM aîné, Capitaine de la gendarmerie. »
Toussaint-Louverture apostille la demande en marge : « Renvoyé à l’administration des domaines nationaux pour faire droit si les habitations réclamées ne sont pas affermées. Cap, ce 25 floréal l’an 9e. Le Général en chef. TOUSSAINT-LOUVERTURE ».
[si la signature est avec certitude de la main de Toussaint, le caractère autographe du texte, en revanche, ne peut être affirmé car il existe très peu d’exemples de son écriture]
L’apostille est visée du rare tampon de Toussaint : « Le général en chef de l’armée de St Domingue »
Au XVIIIè siècle, l’île de Saint-Domingue est divisée en deux : les Français dominent l’ouest sur un territoire qui correspond aujourd’hui à Haïti, tandis que l’est, nommé Santo-Domingo, est occupé par les Espagnols. C’est au Cap, ville française, que Toussaint voit le jour en 1743. Esclave dès sa naissance, il est affranchi en 1776 et, sensible aux idéaux de la Révolution Française, il mène les révoltes des esclaves dans les années 1790.
Il se fait alors remarquer comme un grand chef militaire par les Espagnols, qui souhaitent agrandir leur influence au détriment des Français. Toussaint passe alors au service des Espagnols, qu’il finit par trahir pour rejoindre le camp français : ces derniers viennent d’abolir l’esclavage dans les colonies (février 1794), argument auquel Toussaint est fort sensible.
En 1795, les Espagnols capitulent et la France récupère Santo-Domingo. Toussaint, surnommé Louverture pour ses capacités à enfoncer les lignes ennemies, gagne du galon et renforce son autorité au détriment des représentants Français sur l’île. Le jeune Bonaparte, arrivé au pouvoir en 1799, comprend que Toussaint est le nouvel homme fort de l’île : quoique peu malléable, il sera son interlocuteur privilégié. C’est ainsi que Bonaparte tente d’amadouer son interlocuteur aux tendances révolutionnaires : il le nomme officiellement en mars 1801 Capitaine-général de Saint-Domingue, titre qui est rappelé sur notre document. Toussaint est au faîte de sa gloire et de son influence sur l’île, à tel point qu’il édicte quelques semaines plus tard une Constitution pour affirmer l’indépendance de la colonie et s’autoproclamer gouverneur à vie.
Bonaparte ne supportera pas ces ambitions, surtout qu’il envisage, pour des raisons économiques, de rétablir l’esclavage dans l’île. Le Premier Consul lancera une expédition contre Toussaint, qui sera ramené en France manu militari et emprisonné jusqu’à sa mort en 1803. Cela n’empêchera pas son ancien lieutenant Dessalines de poursuivre le combat et de déclarer en 1804 l’indépendance d’Haïti.
1500 EUR