Tilsitt (1807)
Lettre autographe signée, « Tilsitt, ville assez jolie sur le Méniel [Niemen] le 28 juin 1807 », adressée à « Monsieur de Cacqueray au Mans »
2 pages in-8, adresse autographe
Très intéressante relation de première main, par un soldat de la Grande Armée (peut-être un général ?), du célèbre épisode de l’entrevue de Tilsitt entre Napoleon et le Tsar Alexandre :
« Si j’ai attendu, mon ami, jusqu’à présent pour vous écrire, c’est que je n’en ai pas eu la possibilité : notre marche a été tellement précipitée que nous n’avions pas le temps manger. Notre bon Empereur a justifié la belle opinion que vous aviez de son talent militaire. Il est vraiment étonnant. Je ne pouvais pas choisir une plus belle occasion pour vous donner de mes nouvelles. Sans doute vous avez appris que la paix était faite. Les courriers de l’armée ont été plus vite que ma lettre, mais comme on ne peut trop s’assurer de la vérité d’un tel événement, je peux vous l’affirmer : j’ai été témoin oculaire des entrevues que les deux Empereurs ont eues ensemble, il sont depuis trois jours les meilleurs amis possible, ou les apparences seraient trompeuses.
Avant-hier, notre Empereur fit voir toute sa garde sus les armes au bel Alexandre qui ne put s’empêcher d’en témoigner son admiration. Hier ils assistèrent ensemble à une petite guerre et à des manœuvres parfaites. Aujourd’hui, les deux Empereurs et le Roi de Prusse se sont rendus dans une plaine où le troisième corps d’armée a manœuvré et défilé devant Leurs Majestés. Ce même corps avait, à Austerlitz, battu nos ennemis, plusieurs officiers russes l’ont reconnu. Il y a ici une partie de la garde de l’Empereur Alexandre. Les hommes sont superbes, j’aurai à mon retour bien des choses à vous dire. Lorsqu’il y a eu une affaire, j’ai à chacune été témoin de tout ce qui s’y est fait.
Si j’avais plus de temps, je vous donnerais une multitude de détails on ne peut plus étonnants. J’ai vu on ne peut mieux trois monarques ensemble. Je pars demain pour Koenigsberg [aujourd’hui Kaliningrad] où on envoie beaucoup de troupes, il y a là un dépôt de ceux qui ne peuvent plus faire de service près Sa Majesté. Je n’ai d’autre motif que la perte de mon cheval qui est mort de fatigue, on n’en trouve point ici et d’ailleurs je n’ai point assez d’argent pour me remonter. »
Il évoque un moyen de lui faire passer de l’argent et promet d’écrire à nouveau depuis Koenigsberg. Il termine en enjoignant à son correspondant : « écrivez-moi toujours à la Grande Armée, au grand Quartier Général ».
Le courrier est signé indistinctement, il ne nous a malheureusement pas été possible d’en identifier l’auteur. Mais, pour avoir été au plus près des Empereurs, il est possible qu’il s’agisse d’un haut gradé.
Rare témoignage.
900 EUR