Cardinal de Rohan (1734-1803), diplomate/D'Alembert (1717-1783), philosophe

Lettre autographe du futur cardinal de Rohan, Vienne, 3 mars [vers 1772], adressée à d’Alembert.

1 page recto/verso in-8 (indication « lettre de M. le P[rince] Louis » d’une autre main)

Très belle lettre amicale de Rohan, alors Ambassadeur de France en Autriche, évoquant le jeu des négociations diplomatiques avec les grandes puissances européennes, probablement lors du complot organisé par l’Autriche, la Prusse et la Russie pour se partager la Pologne. Quelques mots sont difficiles à déchiffrer, nous les remplaçons par des pointillés.

« Tout le mal qu’ont voulu me faire mes ennemis n’approche pas du bien que j’éprouve à l’expression de votre amitié. Monsieur d’Alembert, je vous aime et je vous respecte et quand je pense que vous m’aimez, il me semble que j’en vaux mieux, que j’en vaux plus. Je suis heureusement né car l’attachement des personnes estimables est un bonheur pour moi trop réel pour être seulement altéré par le cri de la calomnie, je sens tout ce qui me manque, et je ne vous le dis par une fausse modestie mais parce que c’est une vérité qui me peine. Je suis livré au travail des choses sérieuses, il me coûte de quitter le charme que je trouve aux ouvrages de littérature mais…..que mon goût ne me ramène malgré moi que j’ai fait une séparation totale, l’importance des affaires du moment présente un grand intérêt, je pense que nous trouverons moyen d’éviter la guerre, je ne vous cache pas que je viens d’envoyer… pour en demander la possibilité. Il y a ici une assemblée de gens assez extraordinaire, l’envoyé de Pologne, l’Evêque de Kaminie, un autre envoyé de la Confédération (1) et en outre un ministre particulier du landgrave de Hesse Cassel (2), tous ces gens d’intentions et d’intérêts bien différents sont arrivés à un jour les uns des autres dans la même semaine, tous ils me conteront leurs affaires, chacun cherchera à me tromper et moi je les écouterai avec impartialité et sans inquiétude de leur finesse parce que je suis simplement vrai et bien éloigné de vouloir les attraper, encore moins les tromper. Si de cet ensemble il peut naître un….de rapprochement, je ne le laisserai pas s’échapper. Adieu dîtes bien des choses à nos amis, l’Abbé Morlet [Morellet] m’avait promis……..Je suis fâché de l’attendre si longtemps parce que je la recevrai avec grand plaisir. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur, quand vous serez rassemblé……

de Vienne, 3 mars »

(1) Probablement la Confédération de Bar, alliance nouée par des patriotes polonais pour défendre le pays contre l’ingérence des puissances étrangères

(2) Souverain de l’Etat de Hesse-Cassel, membre du Saint-Empire Romain Germanique

Pétri de culture et de littérature, habitué du salon de Mme Geoffrin et ami des philosophes, le futur Cardinal de Rohan est membre de l’Académie Française depuis 1761. Dans les années 1770, il est envoyé par Louis XV auprès de la Cour d’Autriche en tant qu’Ambassadeur. L’Impératrice Marie-Thérèse ne le porte pas dans son cœur mais il s’entend très bien avec son fils Joseph Empereur du Saint-Empire Romain Germanique.

Au bout de quelques temps, l’Ambassade de Rohan à Vienne tourne mal : il comprend que Marie-Thérèse joue double jeu et le fait savoir à la Cour de France. La jeune Dauphine Marie-Antoinette s’en offusque et lui en tient rigueur. L’affaire du Collier dans laquelle il sera impliqué malgré lui dix ans plus tard sera le signe de sa disgrâce finale.

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