[Napoleon 1er (1769-1821), Empereur]

Mamelouk Ali (1788-1856), compagnon de Napoleon à Sainte-Hélène

Manuscrit autographe, sans lieu ni date

9 pages in-folio et 18 pages in-4

Importantes notes autographes du Mamelouk Ali, l’un des plus fidèles compagnons de l’Empereur depuis 1811. Pendant dix ans, Ali devient le serviteur indispensable du grand homme et l’un des rares à pouvoir l’accompagner jusqu’à la fin à Sainte-Hélène. Témoin et acteur privilégié de l’épilogue de l’épopée napoléonienne, il est largement gratifié par l’Empereur dans son testament, et reste fidèle à sa mémoire toute sa vie durant, notant minutieusement ses souvenirs et réfutant systématiquement les erreurs commises par les historiens du dimanche, dont les ouvrages pullulent en ces années 1840 propices au souvenir napoléonien, tandis que les cendres de l’Empereur sont rapatriées en France.

Dans le manuscrit que nous proposons, le Mamelouk Ali conteste vivement les thèses d’Adolphe Thiers dans son ouvrage sur l’Histoire du Consulat et de l’Empire.

Ali recopie un certain nombre de passages de Thiers et les commente de sa propre plume. Nous ne pouvons donner ici qu’un aperçu des notes du Mamelouk, présentées dans l’ordre où elles apparaissent dans le manuscrit. Le Mamelouk relate une anecdote sur l’arrivée de Napoleon à Fontainebleau : « l’Empereur était dans sa grosse berline attelée de huit chevaux. Je crois me rappeler que lorsque la voiture fut arrivée dans la cour d’honneur, un postillon eut la jambe cassée. Au bout de l’avenue, les habitants ou le corps municipal avaient fait construire un arc de triomphe en treillage. Au moment que l’Empereur arriva, le passage de l’arc de trouva barricadé par une longue échelle mise en travers, de sorte que la voiture fût obligée de passer à côté de l’arc. On plaisanta beaucoup sur la prévoyance du Maire. »

Il propose ensuite, sur la base des écrits de Thiers, une chronologie de la campagne d’Espagne accompagnées de quelques remarques personnelles : « je n’ai pas appris que l’Empereur ait fait à cheval le trajet de Burgos à Bayonne. Il était passé de bon matin à Valladolid et était arrivé sur les neuf ou dix heures à Burgos… ». Cette chronologie se poursuit jusqu’au mariage de Napoleon avec Marie-Louise.

La suite constitue le passage du manuscrit le plus intéressant : sur une page et demie, le Mamelouk Ali livre des anecdotes et des réflexions personnelles sur l’Empereur et sa politique. Il y est notamment question du Maréchal Jourdan, qui « n’avait aucune autorité sur les chefs des différents corps d’armée, et on ne sait pourquoi l’Empereur n’avait pas porté son attention sur un objet aussi important. Il a dit cependant plusieurs fois que là où il n’était, tout allait mal. Le Roi Joseph en opération militaire ne pouvait faire rien, ni commander, ni ordonner et MM. Les Maréchaux agissant chacun pour son compte… »… « Ce qui a manqué à Jourdan, ce fut de l’autorité sur les autres maréchaux. » .

Ali évoque également la tentative d’assassinat de Napoleon par Frederic Staps en 1809 : « à l’occasion de la tentative d’assassinat, l’Empereur interrogea lui-même Staps, il lui fit tâter le pouls par M. Corvisart, qui dit à l’Empereur que les pulsations étaient régulières. Je ne me rappelle pas ce qui a fait que l’Empereur ait appelé M. Corvisart à Schonbrunn, mais il est supposable que c’était pour quelques rhumatisme ou un catarrhe. Il est étonnant que [M. Thiers] dise positivement que c’était pour quelques douleurs sourdes, présages de la maladie dont l’Empereur mourut douze ans plus tard. Ceci est évidemment de l’invention de M. Thiers car bien des fois j’ai entendu dire par l’Empereur que jamais il n’avait senti son estomac. »

Suit une évocation de la santé de l’Empereur : « L’Empereur avait l’estomac très susceptible : quand il mangeait quelque chose avec répugnance, il rejetait immédiatement ce qu’il avait pris, mais ses vomissements n’avaient pas de suite et il recommençait à manger comme s’il n’avait rien eu. Quoiqu’il fût sobre, il mangeait je ne dirais pas avidement mais promptement, lestement, il avait fini que les autres avaient à peine commencé. Les mets les plus ordinaires, les plus simplement arrangés lui convenaient mieux que les mets succulents. Chez lui, la digestion se faisait bien. Pour peu qu’il fût indisposé, il s’abstenait de nourriture, il ne buvait que du thé ou de la limonade….Tous les jours, il avait pour habitude de prendre des lavements. Dans l’origine, c’était probablement pour n’être pas importuné de certain besoin, lui qui était si souvent obligé d’être ou en affaire ou en représentation. »

Ali mentionne également l’épisode du divorce de Josephine, et étudie plus largement, le caractère de l’Empereur : « Je n’étais pas à l’intérieur de l’Empereur lorsqu’il a annoncé le divorce à l’impératrice Josephine. Est-ce Monsieur de Bausset qui entra pour l’aider à secourir l’impératrice lorsqu’elle était évanouie ?…Bien que l’Empereur eût quelque fois des mouvements de vivacité, qui se traduisaient par des expressions envers ceux qui l’approchaient. Mais cette mauvaise humeur n’était jamais de longue durée. Il pouvait regretter ses torts s’il en avait eus, et pardonner s’il avait eu raison. Du reste, pour se rendre compte de cette mauvaise humeur qu’il montrait parfois aux uns ou aux autres, il faut penser à la multiplicité des grandes affaires qu’il avait sur les bras, qui toutes n’allaient pas aussi facilement qu’il pouvait le désirer… »

Dans la dernière partie du manuscrit, Ali propose des considérations sur « la vie d’un Chef d’Etat, [qui], sauf de rares exceptions, est formée d’exils, surtout dans le siècle où nous vivons… ». Il revient sur le mariage avec Marie-Louise, sur la duplicité de l’Autriche et sur la confiance du peuple en Napoleon : « Pour ce qui est du peuple, il était plus en confiance dans l’étoile de l’Empereur. Pour en donner une preuve, c’est de voir l’affaire de Malet en 1812 pendant la Campagne de Russie ». Au milieu de nombreuses citations du livre de Thiers, Ali propose pêle-mêle ses réflexions sur la Campagne d’Espagne, sur les rapports de Napoleon et Berthier : « quand l’Empereur parlait au Prince de Neuchâtel, il lui disait vous ou Berthier, et quand il le faisait appeler, il disait : allez chercher Berthier, ou le Prince de Neuchâtel. ».

Enfin, Ali poursuit sa remise en cause des affirmations de Thiers.

Manuscrit intéressant et probablement inédit.

900 EUR