François Mitterrand (1916-1996), Président de la République
Document autographe, sans lieu ni date
1 page format carte de visite
Document emblématique de la polémique qui suivra Mitterrand à la fin de sa vie : ce carton de remise de la décoration de la francisque, qui allait de pair avec la médaille, a appartenu à François Mitterrand. Le carton n’est pas officiellement attribué, mais Mitterrand y a inscrit cette énigmatique mention, de sa main : « Je n’ai jamais été titulaire de la francisque . J’ai acheté ceci dans un magasin en tant que souvenir ».
Il est dès lors difficile de démêler le vrai du faux. La première phrase relève clairement de l’affabulation : depuis le livre de Pierre Pean « Une jeunesse française » sorti en 1994, les relations troubles de Mitterrand avec Vichy sont connues. Tandis qu’il confesse en 1942 un certain respect pour le Maréchal, il travaille au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre et rencontre Petain en octobre 1942, entrevue dont il subsiste une fameuse photo.
En parallèle, il noue des contacts avec les réseaux de Résistance et commence à fournir de faux papiers aux prisonniers de guerre. Il démissionne de son poste début 1943 mais accepte tout de même la francisque au printemps, se soumettant de fait au Maréchal et à sa politique. Il est alors inscrit comme le récipiendaire numéro 2202.
Selon Jean-Pierre Bloch, l’un des coordonnateurs de la Résistance dans la France libre, Mitterrand a accepté la francisque sur ses conseils pour éviter d’être repéré comme opposant par les services de Pétain. C’est également la thèse de l’un des biographes de Mitterrand, Philip Short, qui affirme : « Mitterrand se vit décerner la Francisque pour services rendus à la ‘Révolution nationale’. Il ne fut pas la seule figure de la Résistance à la recevoir. Bernard de Chalvron, qui serait plus tard un ambassadeur gaulliste, et Raymond Marcellin, qui rejoignit le réseau Alliance de Marie-Madeleine Fourcade et devint par la suite le ministre de l’Intérieur de De Gaulle, reçurent tous deux la décoration de Pétain. Ce fut également le cas de Maurice Couve de Murville, qui devint la même année membre du Comité français de Libération nationale à Alger et serait par la suite nommé Premier ministre. Tous agissaient sous les ordres de l’équipe de De Gaulle à Londres. Pour Mitterrand, comme pour les autres, la francisque était la couverture idéale. Exhiber l’emblème propre à Pétain tout en luttant contre Vichy flattait son goût de la provocation. »
Toujours est-il que Mitterrand ment donc ici en affirmant qu’il n’a jamais été titulaire de la francisque ». Dès lors, le doute est permis sur la seconde partie de son texte : la carte présentée a-t-elle vraiment été achetée dans un « magasin, en tant que souvenir » (et quel drôle de souvenir !) ou bien s’agit-il de sa carte personnelle reçue en 1943 ? Par ailleurs, pourquoi avoir noté cette phrase sur ce carton, comme pour se disculper, et vis-à-vis de qui ?
Le mystère reste entier.
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