Louis XV (1710-1774), Roi de France
Lettre signée, Fontainebleau, le 20 novembre 1733, adressée à « Ma sœur et tante la Duchesse douairière de Lorraine »
1 page in-4, adresse manuscrite, cachets de cire rouge avec entrelacs de soie
Belle lettre signée par le Roi lui-même à l’attention d’Elisabeth Charlotte d’Orléans, nièce de Louis XIV, dont le Duché de Lorraine vient d’être occupé par les troupes françaises (voir les explications politiques et géographiques ci-dessous). Louis XV répond de façon polie mais sibylline aux inquiétudes légitimes de la Duchesse, qui cherche à protéger son territoire :
« Ma sœur et Tante, la lettre que j’ai reçu de vous par le Sr de Verneuil Secrétaire de mon cabinet et le compte qu’il m’a rendu des dispositions dans lesquelles il vous a laissée ont produit l’effet que vous en pouviez attendre. Vous avez dû le reconnaître par les derniers ordres que j’ai donnés sur ce qui regarde la Lorraine, et qui servent de réponse à ce que vous m’avez écrit le 27 du mois dernier. Votre empressement à justifier de plus en plus l’idée que j’ai toujours eue de votre attachement me sera très agréable, puisqu’il m’engagera à vous marquer combien je m’intéresse à ce qui vous regarde et que j’ai pour vous les tendres sentiments dont le Sr de Verneuil vous a assuré de ma part. […] A Fontainebleau, le 20 novembre 1733.
LOUIS [signature autographe] »
Elisabeth Charlotte, devenue Duchesse de Lorraine par son mariage, devient veuve en 1729. Elle est alors désignée régente du duché pour le compte de son fils François-Etienne (futur François Ier Empereur du Saint-Empire) qui s’est installé à la Cour de Vienne.
La lettre que nous présentons reflète, à cette époque, la situation politique tendue entre le duché et le Royaume de France. Historiquement au centre d’un conflit entre la France et le Saint-Empire, le duché de Lorraine se voit envahir à quatre reprises au cours des XVIIe et XVIIIe siècles par les Français, qui veulent garder la mainmise sur ce territoire stratégique en plein expansion économique. Géographiquement, en cette première moitié du XVIIIe siècle, la Lorraine est entourée de territoires français, comme prise au piège.
En 1733, la dispute autour de la succession du trône de Pologne s’invite dans le jeu diplomatique : le Roi de Pologne vient de mourir, et le nouveau souverain doit être nommé. Le Saint-Empire a son candidat, qui n’est autre que François-Etienne de Lorraine, qui devrait épouser Marie-Thérèse de Habsbourg. Cette union ferait rentrer la Lorraine dans le giron du Saint-Empire. Cela n’est pas acceptable pour Louis XV, qui, au contraire, souhaite voir accéder son beau-père Stanislas Leszczynski au trône de Pologne.
La France décide alors d’occuper le territoire lorrain à partir de 1733, malgré les promesses faites à la Duchesse, qui consulte son fils afin d’obtenir ses directives sur la conduite à tenir. François-Etienne répond de manière ambiguë : « Je ne puis consentir à ce que la France exige de moi, parce que mes États sont libres et neutres, mais je ne puis résister à ses forces. ». Elisabeth Charlotte envoie ainsi cette réponse au Cardinal de Fleury, Premier Ministre de Louis XV : « M. de Verneuil secrétaire du Cabinet du Roy est venu ce matin me dire que le Roy voulait mettre des troupes dans Nancy et dans Bar, et qu’elles seraient avec la même discipline et le même ordre qu’elles avaient gardé à Nancy en 1702. Je ne puis qu’obéir aux ordres du Roy. ». C’est ainsi que le 12 octobre 1733, le duché est envahi par le Comte de Belle-Isle, malgré le mécontentement de l’impuissante Duchesse.
Un mois plus tard, dans la lettre que nous présentons, Louis XV tente de rassurer la Duchesse par des mots enjôleurs mais qui n’engagent en rien sa politique.
Ce n’est qu’en septembre 1736 que cette situation trouvera une issue favorable à la France : en vertu du Traité de Vienne, François-Etienne, épousant Marie-Thérèse de Habsbourg héritière du trône du Saint-Empire, abandonne ses duchés de Bar et de Lorraine. Ces territoires reviennent au beau-père de Louis XV, Stanislas Leszczynski, qui, à sa mort, les cèdera automatiquement à la France. En échange, Stanislas abandonne ses prétentions au trône de Pologne. Quant à Elisabeth-Charlotte, elle est évincée de la Cour de Lunéville, et s’installe à Commercy jusqu’à sa mort en 1744.
1250 EUR