Guillaume Apollinaire (1880-1918), poète
Manuscrit autographe signé, sans lieu ni date [1914]
3 pages 1/2 in-4 au dos de papiers publicitaires imprimés, quelques salissures
Très intéressant manuscrit d’une chronique parue dans « La Vie Anecdotique » du 1er juillet 1914, relatant le fameux enregistrement du « Pont Mirabeau » et de « Marie » par le poète lui-même.
Les deux textes, odes aux amours défuntes du poète pour Marie Laurencin, sont captés à la Sorbonne le 24 décembre 1913 par les micros du linguiste Ferdinand Brunot. La voix d’autres poètes, dont beaucoup de symbolistes, sera ainsi enregistrée jusqu’à 1914 afin de léguer à la postérité un échantillon de la langue, des sonorités et des styles de ce début de XXè siècle.
Le manuscrit s’ouvre sur une amusante anecdote annexe au sujet d’une mèche de cheveux du peintre Whistler, qui « avait des cheveux blancs », « se les faisait teindre et afin de conserver une apparence encore plus juvénile, il voulait qu’on réservât sur le front une mèche qui devait rester blanche ».
Suit le récit de l’enregistrement des deux poèmes par Apollinaire, expérience tant scientifique que sensorielle :
« Les Archives de la Parole ont parlé le 27 mai à 17 heures pour la première fois à propos d’une audition de poèmes symbolistes dits par les poètes eux-mêmes et enregistrés aux Archives.
Cela se passait à la Sorbonne, salle V, escalier Saint-Jacques, 2e étage. L’audition était précédée d’une conférence de Jean Royère après laquelle on écouta les poèmes, tandis que M. Ferdinand Brunot, le savant directeur des Archives de la Parole servait d’opérateur. Voici le programme de cette séance :
1ère partie :
Pierre Louys……………..Pour le tombeau de Jean Second
Jean Royère………………Thrène
Henri Aimé……………….Harpe du Soir
2ème partie :
Gustave Kahn……………Les bonnes dames
Henri Hertz……………….La promenade avec Dieu
André Spire……………….Nudité
3ème partie :
André Fontainas…………Décembre
Paul Fort……………………La voix des bœufs
Guillaume Apollinaire…Sous le Pont Mirabeau et Marie
René Ghil…………………..Chant dans l’espace
4ème partie :
Maurice de Faramond….Esther devant Assuerus
Emile Verhaeren………….Le vent
C’est en entendant l’expression de poèmes symbolistes que Jean Royère a pu grouper des poètes comme René Ghil, André Spire, Henri Hertz et moi-même avec Pierre Louÿs par exemple. N’importe la fête fut tout intime.
[…]
La voix de Pierre Louÿs est si sourde que nous ne comprenions qu’avec peine ce que disait la longue mélodie de ses alexandrins. On comprit mieux Royere et Henri Aimé. Mais Gustave Kahn fut le premier que l’on entendit vraiment.
[…]
Le poème de Paul Fort fit une grande impression. On regretta son absence. J’entendis très bien mais [sic] deux poèmes mais j’ignore si les autres auditeurs les ont compris aussi bien que moi. Et j’eus encore l’étonnement que j’avais éprouvé le jour où Mme Ferdinand Brunot enregistra ma parole.
Après l’enregistrement, on fit redire mes poèmes à l’appareil et je ne reconnus nullement ma voix.
D’ailleurs, comme je fais mes poèmes en les chantant sur des rythmes qu’a notés mon ami Max Jacob, j’aurais dû les chanter comme fit René Ghil qui fut avec Verhaeren le véritable triomphateur de cette séance... »
Suivent quelques considérations sur la musicalité des poèmes de René Ghil, de Maurice de Faramond et d’Emile Verhaeren.
La chronique s’achève par une anecdote piquante concernant le peintre « L.-D. » [Lévy-Dhurmer] lors de la visite d’une dame dans son atelier.
On joint une demi-page in-8, possiblement autographe, récapitulant les trois parties du manuscrit.
Rare témoignage sur l’un des plus célèbres poèmes français par l’auteur même.
4000 EUR