Emile Gallé (1846-1904), maître verrier
Ensemble de deux lettres autographes signées.
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Lettre autographe signée, sans lieu, le 29 juillet 1885, adressée à « ma chère amie »
3 pages in-8, petite déchirure au pli
Amusante lettre dans laquelle Gallé, après avoir remercié sa correspondante d’un cadeau, évoque les rumeurs de sa nomination à la Légion d’Honneur, qu’il décrochera effectivement quelques semaines plus tard :
« Ma chère amie,
J’ai attendu quelque peu pour vous témoigner ma gratitude particulière, excusez-moi bien. J’étais trop ému. Aujourd’hui, je me suis fortifié contre la joie et ma reconnaissance pour vous n’en est pas amoindrie !
Vous savez que je suis seul, c’est dire que mes secondes sont comptées. Quand Mlle Clara est ici, c’est un lit de roses, aussi je souhaite bien la fin d’août. Cependant, les services qu’elle rend à Plombières [eaux thermales] sont si utiles que je me résigne sans regrets.
Vous ne sauriez croire quelle quantité de lettres et de cartes annotées arrivent à [mot illisible]. Et par contre-coup à moi-même. Il y a de bonnes gens qui croient à mon élévation, ils inscrivent chevalier sur leur enveloppe. Et même sur place, oralement, plusieurs m’ont félicité ; quand ces aimables visiteurs se voient détrompés, ils disent tous « c’est la même chose ». Eh oui, ça me fait autant de plaisir.
Va falloir, comme on dit, travailler ferme pour justifier la chose et qu’ainsi on ne s’en prenne pas à un certain Monsieur Daigueperse [concessionnaire de Gallé] le grand coupable .
Ce sera à propos, vraiment, que paraîtra le docte livre illustré sur la verrerie chinoise. Faudra en envoyer un exemplaire à l’Empereur de Chine puisque nous sommes amis. Alors nous aurons la Grande Croix qui pèse 100 kilos, c’est la mode que les décorés aient charge d’honneurs.
[…]
S’il y a des gens contents de la chose, il s’en trouve qui doivent faire un nez, un nez [expression désuète, marquer son désaccord]. Les Thom., les Guer….et l’ami Dussuc [marchand d’art à Lyon].
[…]
Toujours à vous tous.
GALLÉ »
Gallé obtient effectivement sa nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur quelques mois plus tard, tandis que son activité se développe grâce à la multiplication des ateliers nancéens. En 1889, le Grand Prix de verrerie à l’Exposition Universelle le fait connaître mondialement, et l’Etat lui décerne le grade d’Officier de la Légion d’Honneur.
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Lettre autographe signée, Nancy, le 19 mars 1902
2 pages recto/verso in-12
Charmante lettre de remerciement à la veuve de son concessionnaire pour le cadeau d’un objet d’art :
« Chère Madame Daigueperce et cher Albert [concessionnaire de Gallé, fils de Marcelin Daigueperce], ma femme Thérèse et moi nous sommes infiniment touchés de votre magnifique et somptueux cadeau, chef-d’oeuvre d’orfèvrerie contemporaine française. Nous en avons admiré tous les artistiques détails, l’adaptation des charmantes ancolies au décor d’argenterie.
Permettez-moi, toutefois, de vous gronder, chers amis, d’avoir fait à notre modeste petit ménage un cadeau aussi superbe ! Je vous en remercie personnellement, les larmes aux yeux, reconnaissant le goût excellent d’Albert et de sa maman.
Permettez-moi encore d’insister pour avoir la grande satisfaction de posséder parmi nous – à défaut hélas de notre regretté ami Marcelin – sa femme et son fils. J’espère que la santé de Madame Daigueperce ne sera pas un obstacle. Croyez, très chers amis, à mes sentiments les meilleurs.
Emile Gallé. »
Marcelin Daigueperce est le concessionnaire principal des créations de Gallé à partir de 1879, puis son fils Albert prend la relève en 1896. A l’époque de la rédaction de cette lettre, Gallé vient de fonder l’Ecole de Nancy. Il participe à l’Exposition des Arts décoratifs de Turin, et devient membre de la Société des Beaux-Arts de Paris. Il est au sommet de sa gloire. Il mourra deux ans plus tard. La production, poursuivie par sa veuve et son gendre s’arrêtera en 1936, victime de la crise économique.
1100 EUR