[Marie-Antoinette/Louis XVI/Famille royale/Prison du Temple]

Document pré-imprimé, complété et signé, [Paris], le 6 septembre 1792

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Convocation d’un garde national en plein Massacres de Septembre pour protéger la famille royale, prisonnière au Temple.

« Garde Nationale Parisienne

Du 6 septembre 1792

L’an 4 de la Liberté, et le 1er de l’égalité

M. Alexandre, chef de la 1ere légion, relèvera M. Duvergier chef de la Légion de Garde au Temple ce jourd’hui à midi.

Par ordre du Commandant Général provisoire.

DE BAHAULNE

Secrétaire Général »

Antoine Joseph Santerre est le Commandant Général de la Garde Nationale à partir du 10 août 1792, nommé par la Commune insurrectionnelle de Paris. Son prédécesseur, Antoine Mandat de Grancey vient de se faire assassiner par les émeutiers lors de l’invasion des Tuileries. Santerre prend la relève, mais bien loin d’assumer le rôle qui lui est dévolu, à savoir protéger les Tuileries, il favorise le mouvement insurrectionnel. La famille royale est contrainte de se réfugier au sein de l’Assemblée Nationale. Les députés, enhardis par les événements en cours, suspendent provisoirement le pouvoir royal. Louis XVI est pris au piège. Il attend trois jours et trois nuits jusqu’à ce que l’Assemblée lui signifie son incarcération et celle de toute la famille royale à la Prison du Temple.

La France est en état de siège, la jeune République est cernée et Danton exhorte les troupes à montrer «  de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » pour sauver la Révolution. Face aux craintes d’un complot royaliste, la psychose est à son comble : dès le 2 septembre 1792, les sans-culottes investissent les prisons de la capitale et se livrent aux pires exactions sur les détenus nobles et ecclésiastiques. Certains proches de la Reine sont particulièrement visés. La Princesse de Lamballe, amie intime de Marie-Antoinette, détenue à la Prison de la Force, est atrocement mutilée.

Au Temple, la famille royale n’est pas tenue informée des événements, mais comprend que quelque chose se passe. Laissons à Clery, le valet de chambre de Louis XVI au Temple, le soin de raconter cette journée du 3 septembre depuis l’intérieur de la prison :

« On entendit le bruit des tambours et bientôt les cris de la populace. La famille royale sortit de table avec inquiétude, et se réunit dans la chambre de la Reine. […] Nous étions à peine assis qu’une tête au bout d’une pique fut présentée à la croisée […] c’était la tête de madame la princesse de Lamballe. […] Les cris du dehors augmentaient : on entendit très distinctement des injures adressées à la Reine. […] Je vis une seconde fois la tête de madame la princesse de Lamballe, celui qui la portait était monté sur des décombres des maisons que l’on abattait pour isoler la tour, un autre à côté de lui tenait au bout d’un sabre le cœur tout sanglant de cette infortunée princesse. Ils voulurent forcer la porte de la tour. Un municipal, nommé Daujon, les harangua et j’entendis très distinctement qu’il leur disait : la tête d’Antoinette ne vous appartient pas, les départements y ont des droits, la France a confié la garde de ces grands coupables à la ville de Paris, c’est à vous de nous aider à les garder, jusqu’à ce que la justice nationale venge le peuple. […] Le soir de la même journée, un des commissaires me dit que la populace avait tenté de pénétrer avec la députation, et de porter dans la tour le corps nu et sanglant de madame la princesse de Lamballe, qui avait été traîné depuis la prison de la Force jusqu’au Temple, que des municipaux, après avoir lutté contre cette populace, lui avaient opposé pour barrière un ruban tricolore attaché en travers de la principale porte d’entrée, qu’ils avaient inutilement réclamé du secours de la commune de Paris, du général Santerre et de l’Assemblée Nationale, pour arrêter des projets qu’on ne dissimulait pas, et que pendant six heures il avait été incertain si la famille royale ne serait pas massacrée. » (extrait du Journal de Clery).

Le Maire de Paris ordonne au Commandant de la Garde Nationale de s’interposer entre les prisonniers et les « septembriseurs », mais Santerre laisse faire, comme nous le rapporte Clery dans son récit. Cette attitude attentiste lui sera d’ailleurs reprochée plus tard.

On comprend, dans ces circonstances, l’importance capitale d’organiser une surveillance étroite de la Prison du Temple. Le mot d’ordre est clair : le terme de la Révolution doit être le jugement et la condamnation de la famille royale, et non pas une exécution sommaire.

Le 6 septembre, jour de la rédaction de cette convocation, les derniers massacres ont lieu. La sécurité du Temple reste une préoccupation de tous les instants.

Au total, on estime qu’en cinq jours périssent 1200 victimes, soit la moitié des détenus dans les prisons parisiennes.

Rare témoignage de cet épisode sanglant de l’Histoire de France.

700 EUR