[Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), écrivain] 

Ensemble de deux documents tapuscrits, Paris, le 30 juin 1932 et 28 février 1936

5 pages in-4, papier carbone

Fantastique document : la copie carbone originale du contrat du Voyage au bout de la nuit en provenance des Archives Denoël.

Le premier contrat date du 30 juin 1932, par lequel « Monsieur Destouches cède aux Editions DENOEL et STEEL, ou à leurs ayant droits, le doit exclusif d’imprimer et de publier en tous formats et ce dans les termes des lois actuelles et futures sur la propriété littéraire, un ouvrage intitulé VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT en un volume dont il est l’auteur ».

Sont précisés les délais de remise des épreuves, le prix de vente unitaire, les pourcentages touchés par l’auteur, les bonus en cas de ventes importantes, les conditions d’impression des exemplaires du service de presse et des exemplaires de luxe, les droits de reproduction. Sont également évoqués les droits d’adaptation cinématographique, théâtrale ou musicale de l’ouvrage, les réimpressions éventuelles et les conséquences en cas de « mévente » du livre. Enfin, Céline s’engage à proposer ses ouvrages ultérieurs en priorité aux éditeurs Denoël, qui devront, sous trois mois, lui répondre.

Le second contrat, daté du 28 février 1936, modifie le précédent en assurant à Céline des conditions nettement plus avantageuses, en raison du succès du livre. Ses droits sont multipliés. En échange, Céline accepte de céder ses droits pour tous ses ouvrages à venir – sur ce point, les éditions sont nettement plus affirmatives que dans le contrat précédent !

En avril 1932, Céline écrit à la NRF, c’est-à-dire à Gaston Gallimard, pour lui proposer d’éditer le Voyage en ces termes : « Je vous remets mon manuscrit du « Voyage au bout de la nuit » (5 ans de boulot). Je vous serais particulièrement obligé de me faire savoir le plus tôt possible si vous êtes désireux de l’éditer et dans quelles conditions. ». Il propose un résumé de son livre, le décrivant comme un « récit romancé, dans une forme assez singulière, et dont je ne vois pas beaucoup d’exemples dans la littérature en général. Je ne l’ai pas voulu ainsi. C’est ainsi. ». Il termine avec une confiance qui confine à l’arrogance, mais de façon assez visionnaire : «  Je ne voudrais pour rien au monde que ce sujet me soye soufflé. C’est du pain pour un siècle entier de littérature. C’est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l’Heureux éditeur qui saura retenir cette oeuvre sans pareil. ». Les éditions de la NRF lisent le manuscrit le 24 juin 1932 et se montrent intéressées, à condition que l’auteur effectue des retouches : voici le commentaire du comité de lecture : « roman communiste contenant des épisodes de guerre très bien racontés. écrit en français argotique un peu exaspérant, mais en général avec beaucoup de verve. Serait à élaguer. ». Mais Céline, dans le même temps, a démarché d’autres éditeurs, en particulier Denoël, qui est prêt à signer tout de suite. Six jours plus tard est donc signé l’accord officiel entre Céline et les Editions Denoël, document que nous présentons. En 1947, Céline semblera exprimer quelques regrets : « Je n’ai rien à dire de la NRF…J’ai bien failli en être…A une demi-heure près. ».

Formidable témoignage.

1500 EUR