Bernard René Jourdan de Launay (1740-1789), Gouverneur de la Bastille

Apostille autographe signée (4 lignes), Paris, le 22 octobre 1785

1 page grand in-folio

Très intéressant et rare témoignage du fonctionnement hiérarchique de la Bastille quelques années avant sa chute, signé par De Launay, le célèbre Gouverneur qui fut décapité le 14 juillet 1789 ainsi que par plusieurs militaires servant au sein de la forteresse. En particulier, le Capitaine de Monsigny, qui fut tué pendant la prise de la Bastille et le Lieutenant Caron qui fut touché par quatre balles le même jour mais s’en sortit.

L’affaire concerne une affaire de pédophilie. Toute la hiérarchie de la Bastille témoigne contre l’un des leurs, un certain Antoine Bourgeois, dont ils dénoncent les mensonges :

« Nous, capitaine, lieutenant sergent, caporal et fusillers de la compagnie de bas-officiers invalides servant pour la garde du château royal de la Bastille soussignés certifions que le mémoire présenté à Monseigneur le Maréchal de Ségur, Ministre de la Guerre, par le nommé Antoine Bourgeois, ci-devant bas officier de ladite compagnie est rempli de faussetés en tout son contenu, et qu’ayant fait venir ledit Bourgeois dans la chambre des sergents le douze septembre dernier et l’ayant interrogé en présence des nommés ci-dessus, ainsi que de la fille aînée du nommé Pacot appointé d’icelle compagnie et de sa sœur cadette âgée de huit ans laquelle avait soutenu audit Bourgeois qu’il l’avait mise plusieurs fois sur son lit et à différentes reprises fait des attouchements les plus déshonnêtes, ce qui est aux sus et vus des nommés Fouin et Boucher bas-officiers de sa chambrée, ce dont ledit accusé n’a pu disconvenir, et n’a donné pour toute réponse aux interrogats à lui faits que les autre mots suivants : « madame, vous me perdez » en s’adressant à la fille apinée dudit Pacot, fille très honnête et irréprochable en tout genre n’ayant jamais parlé audit Bourgeois de sa vie ».

Ils expliquent avoir rendu compte au Marquis de Launay, Gouverneur de la Bastille, « qui nous avait ordonné de renvoyer ledit Bourgeois par-devant Monsieur le Comte de Guibert pour subir telle punition qu’il aviserait bon »

Suivent les signatures de toute la hiérarchie de la Bastille :

Demonsigny, Capitaine Commandant

Caron Lieutenant

Devauricourt, officier chargé du détail

Riché, caporalle

Tardif, sergent

Palatin sergent

Fouin

Boucher

Enfin, le Gouverneur de Launay annote le rapport de sa main :

« Je soussigné Gouverneur du Château de la Bastille certifie que l’énoncé ci-desssus signé des officiers de la compagnie est conforme au rapport qui m’a été fait lorsque le renvoi dudit Bourgeois a été décidé par moi et Messieurs les officiers de la compagnie pour l’Hôtel le 22 septembre 1785.

DE LAUNAY »

On connaît l’histoire du Gouverneur, qui refuse de rendre la Bastille, puis, voyant la foule s’amasser et commencer le siège, tente de négocier l’ouverture des portes en échange de la vie sauve pour lui et ses hommes. La Bastille se rend, de Launay est amené sous bonne escorte à l’Hôtel de Ville mais il est pris à parti, roué de coups et tué sur le chemin par la population révoltée. Sa tête est mise sur une pique et promenée dans tout Paris. C’est l’une des premières victimes de la Révolution.

L’histoire du Capitaine de Monsigny, quoique moins connue, est tout aussi tragique : lors du siège de la forteresse, la foule prend la fille du Capitaine, Mlle de Monsigny, en otage et menace de la brûler vive si l’on n’ouvre pas les portes. Le Capitaine, voyant la scène depuis les tours, tente de ses précipiter pour la sauver, mais il est atteint par deux balles. La fille, elle, sera sauvée par un généreux officier.

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